Nous entendons parler constamment des déficits abyssaux de la Sécurité sociale. Reviennent périodiquement d’ailleurs dans le débat politique les moyens de réduire ces déficits et de mettre en oeuvre des propositions de réforme, en particulier sur l’élargissement des ressources de la Sécurité sociale. Un rappel des mécanismes de protection sociale dont nous bénéficions en France nous a semblé intéressant à faire dans ce numéro d’Activ et Vous au moment où des mesures ont été déjà prises par le Gouvernement en place et d’autres sont en passe d’être débattues très rapidement.

La protection sociale, c’est quoi ?

C’est l’ensemble des mécanismes de prévoyance collective qui permettent de faire face aux aléas de la vie.
En France, la gestion de la protection sociale est en grande partie confiée à la Sécurité sociale. Celle-ci est divisée en quatre branches : vieillesse, maladie (maternité, invalidité, décès), accidents du travail et maladies professionnelles, allocations familiales.
Il faut y ajouter la Caisse d’assurance-chômage, indépendante de la Sécurité sociale et gérée par l’Unedic. Les dépenses sociales (santé, retraite, famille, chômage) ont connu ces dernières années une croissance constante, pour atteindre en 2012 le niveau record de 32% du Pib (soit 654 milliards d’euros).
Près des quatre cinquièmes des prestations sont consacrées à la vieillesse (278,5 milliards d’euros) et à la santé (213 milliards d’euros). Les autres postes budgétaires  représentent une part plus faible: 9 % pour le risque «maternité famille» et 7 % pour l’emploi. Dans tous les pays de l’Union européenne, la part de la protection sociale dans le Pib s’est accrue sous l’effet de la crise. En effet, lorsque l’activité économique se dégrade, les dépenses augmentent car la montée du chômage rime avec l’augmentation des allocations sociales (Assedic et aides sous conditions de ressources) et une baisse des cotisations sociales.
Le financement de la protection sociale en France reste encore largement basé sur les cotisations sociales, donc sur les revenus du travail.
Ce système – qui exclut la contribution de nombreux revenus (du capital, du patrimoine…) – est aujourd’hui remis en cause.
Il est accusé, à tort ou à raison, de plomber la compétitivité des entreprises. Cependant, le poids des cotisations sociales tend à diminuer depuis 1990 au profit des ressources fiscales, mais aussi en raison des exonérations consenties aux entreprises sur leurs cotisations.
Notre protection sociale connaît chaque année des déficits importants.
C’est le fameux « trou de la Sécu »
Il affecte toutes les branches : assurance-maladie (5,5 milliards d’euros [chiffres 2012]), retraite (5 milliards), Fonds de solidarité vieillesse (Fsv) – il finance le minimum vieillesse (4 milliards) –, allocations familiales (2,5 milliards), accidents du travail (0,1 milliard). Ces déficits sont couverts par l’emprunt, ce qui aggrave l’endettement des Français tout en augmentant le poids des charges pesant sur les futures générations.

C’est la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), créée en 1996, qui est chargée de combler les déficits accumulés par la Sécurité sociale, principalement ceux de l’assurance-maladie.
Pour réaliser cette mission, elle est financée par la Crds (contribution pour le remboursement de la dette sociale) et une partie de la Csg (contribution sociale généralisée), mais elle doit aussi emprunter sur les marchés financiers. A l’origine, la Cades devait être soldée en 2010, mais au regard des déficits accumulés par la Sécurité sociale entre 2009 et 2011 (87 milliards d’euros), elle ne pourra régler l’intégralité de sa facture avant 2025.
Au total, la Cades a repris 189,6 milliards d’euros de dettes de la Sécurité sociale, et en avait amorti 53 milliards au 30 juin 2011.
De nombreux économistes estiment aujourd’hui qu’il faut cesser de parler de déficits et de « trou de la Sécu ».
Ils pointent le fait que le financement de la protection sociale est à la fois insuffisant ou/et inadapté aux enjeux.
Derrière les chiffres, c’est bien évidemment une question de choix politique qui est posée.
Ces dernières années, les gouvernements successifs ont tenté de résorber les déficits sociaux soit en augmentant les cotisations sociales, soit, au nom de la compétitivité des entreprises, en augmentant l’impôt (Csg) ou les taxes affectées. Nombre de médicaments sont aujourd’hui déremboursés, accentuant ainsi les difficultés à se soigner pour les ménages les plus modestes. Le gouvernement Fillon avait même pensé transférer les cotisations employeurs pour les allocations familiales vers la TVA sociale.

Mais d’autres ressources sont-elles possibles ?
Oui, quand on pense, entre autres, aux 470 niches fiscales (exonérations d’impôts), d’un montant de 66 milliards d’euros, dont 66 % (40 milliards d’euros) n’ont pas prouvé leur efficacité, et aux 68 niches sociales (allégements de charges sociales), d’un montant de 38 milliards d’euros, parmi lesquelles 36 %, soit 13 milliards d’euros, sont inefficaces.
D’autre part, la moitié des revenus du capital immobilier n’est pas actuellement incluse dans la base fiscale de la Csg.
Si elle l’était, 35 milliards d’euros pourraient être dégagés. Enfin, l’alignement de la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail pourrait rapporter entre 25 et 100 milliards d’euros, l’alignement de la fiscalité environnementale de la France (2,2 % du Pib) sur celle des Pays-Bas (3,7 % du Pib), 30 milliards d’euros, et la lutte contre la fraude sociale des entreprises, des professions libérales et des assurés de 30 à 40 milliards d’euros.
Le Haut Conseil du financement de la protection sociale, mis en place le 20 septembre 2012, a été chargé par le gouvernement de formuler des propositions de réforme, en particulier sur l’élargissement des ressources de la Sécurité sociale. Ce rapport a été remis le 31 octobre 2012 au Premier ministre, Jean- Marc Ayrault, par le Haut conseil du financement de la protection sociale où siègent des représentants des syndicats, de l’Etat et des personnalités qualifiées.


Depuis, des mesures ont été mises en oeuvre, et d’autres sont soit en débat, soit en cours de réflexion ou constitution.
Notre responsabilité d’assuré social est bien de s’enquérir des solutions envisagées, d’en débattre collectivement, et de faire entendre notre voix pour permettre à notre protection sociale de maintenir un haut niveau de garanties pour tous, basé sur un système juste, solidaire, n’excluant personne, et particulièrement les plus fragiles.

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